Quelle place pour l’accessibilité dans l’accord du gouvernement fédéral ?

Nous avons voté en juin dernier pour élire nos représentants au niveau fédéral. Après 8 mois de négociations, 5 partis - 3 néerlandophones et 2 francophones - sont parvenus à un accord de gouvernement. Le CAWaB a analysé les références à l’accessibilité dans la déclaration du formateur du gouvernement fédéral, Bart De Wever. La première impression qui se dégage de cette lecture est une prise de conscience des besoins et enjeux liés à l’accessibilité mais l’absence de volonté d’en faire une réelle priorité. Chaque engagement est en effet limité par des conditions restrictives pour sa mise en oeuvre.
L’accord du gouvernement reconnaît le droit des personnes en situation de handicap à participer pleinement à la société, et son pré-requis le droit à un environnement accessible. Les lacunes en matière d’accessibilité tant des bâtiments et transports publics que des services et de la communication publics sont identifiées. Le devoir d’exemplarité des pouvoirs publics en la matière est également affirmé à plusieurs reprises dans le texte. Un devoir d’exemplarité qui devra être suivi d’effets afin d’aller plus loin que la simple déclaration de principe.
En ce qui concerne le cadre bâti, la déclaration prévoit de garantir l’accessibilité des bâtiments de la Régie pour les personnes en situation de handicap. Vu la diversité des services proposés et le potentiel d’emplois au sein de ces bâtiments, il est effectivement essentiel qu’ils soient rendus accessibles dans les meilleurs délais. Les autorités fédérales semblent être conscientes de l’urgence en la matière puisqu’il est question de “chercher des solutions rapides” sans pour autant que des échéances ne soient fixées.
Les autorités fédérales doivent avoir l’ambition de rendre tous leurs bâtiments accessibles et cherchent notamment des solutions rapides à cette fin. Nous le faisons également pour les nouveaux bâtiments en suivant les principes de la Conception Universelle. Nous défendons des pouvoirs publics à taille humaine où le citoyen occupe la place centrale.”
Du point de vue de l’accessibilité des transports publics, la déclaration reconnaît qu’ils doivent être accessibles à tous et en particulier pour les personnes à mobilité réduite. Une affirmation aussitôt rabotée puisque priorité sera donnée aux grandes gares. Une étude sur la possibilité de réduire les délais de réservation est par ailleurs annoncée en collaboration avec la SNCB. Autant d’éléments déjà prévus dans le Contrat de Service Public de la SNCB qui est d’application depuis quelques mois.
Un troisième volet important est l’accessibilité des services publics, de la communication et du numérique. L’autorité fédérale prévoit d’utiliser, dans ses contacts avec les citoyens, un langage compréhensible de tous et qui respecte les règles d’accessibilité. Si le “Facile à Lire et à Comprendre” n’est pas explicitement cité, on peut espérer qu’il est inclus dans cet engagement.
Du point de vue de l’accessibilité numérique, l’accès à tous et la possibilité de bénéficier d’un contact direct avec des agents sont explicitement garantis tout en étant drastiquement limités par l’obligation de prise de rendez-vous et la faible disponibilité de cette possibilité.
« Les services publics doivent également rester garantis et accessibles physiquement et téléphoniquement, même en présence de services numériques. Les services publics doivent organiser des permanences et être en mesure de parler aux citoyens sur rendez-vous au moins une fois par semaine. »
Ces deux conditions restreignent dans les faits l’accessibilité des services publics pour toute une partie de la population dans un contexte d’une numérisation grandissante soulevant de nombreux enjeux d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
En ce qui concerne l’organisation des élections, une évaluation est prévue afin de choisir une ou plusieurs méthodes de vote pour l’avenir dans le cadre du renouvellement du contrat lié au vote électronique. Une stratégie sera ensuite définie avec les différents niveaux de pouvoir et des membres de la société civile. Au cours de ce processus, des variantes des différentes méthodes de vote pourraient être étudiées du point de vue de l’accessibilité. En prévoyant par exemple différents modes de scrutin pour les personnes malvoyantes ou aveugles qui pourraient alors voter par lettre, voie électronique ou sur papier. La prise en compte de l’accessibilité dans le choix des futures modalités de vote est cruciale. En effet, il ressort de l’évaluation de l’accessibilité des différents scrutins qu’elle est encore insuffisante au point d’entraver la participation des personnes en situation de handicap à la vie démocratique et de ne pas garantir la confidentialité du vote.
Enfin, la décision d’amputer Unia d’un quart de son financement soulève la question de la lutte effective contre les discriminations sachant que le handicap est le second critère de signalement en 2023. Rappelons également son rôle essentiel de mécanisme indépendant chargé de veiller au respect de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes en situation de handicap. A ce sujet aussi, le CAWaB regrette un manque de cohérence entre les affirmations relatives à l’inclusion et la diminution des capacités pour lutter contre les discriminations.
A l’issue de la lecture de l’accord du gouvernement fédéral, le CAWaB s’interroge sur les ambitions concrètes du Gouvernement pour garantir les conditions d’exercice effectif des droits des personnes en situation de handicap comme pour tout autre citoyen. Le CAWaB demande des engagements fermes et précis assortis d’échéances afin que la Belgique intègre et défende pleinement ses citoyens à besoins spécifiques comme elle a l’obligation de le faire en vertu de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes en situation de handicap.